#7- FICHE PRATIQUE - La surqualification

Coupe le courant aux automatismes - La Capsuleuse

L’excès qui exclut ?

🔍 Définition

La surqualification désigne la situation d’un individu dont les diplômes, expériences ou compétences excèdent les exigences du poste occupé.

Mais cette définition, en apparence neutre, masque un paradoxe :

Plus un individu a investi dans son parcours, plus il risque d’être écarté, reclassé, voire redouté au nom d’une logique de réalisme ou de préservation managériale.

Ainsi, ce qui devrait être une ressource devient un obstacle.

Non parce que l’individu ne correspond pas, mais parce qu’il dépasse les attendus implicites du système. Il dérange, par excès de légitimité perçue.

⚖️ Enjeux éthiques

La surqualification met en tension 3 principes fondamentaux :

🔹 La justice dans l’accès au travail

Si l’on écarte un candidat surqualifié au nom de sa supposée fuite future ou de son inadéquation culturelle, ne crée-t-on pas une forme de discrimination indirecte ?

Le Code du travail impose à l’employeur de motiver tout refus d’embauche. L’absence de justification objective – comme ici – peut masquer des critères liés à l’âge, au parcours atypique, à l’origine ou à l’ancienneté.

🔹 La reconnaissance des savoirs

Dans quelle mesure nos organisations valorisent-elles l’intelligence collective, si elles redoutent ceux qui pensent trop vite, trop haut, ou hors cadre ?

D’autre part, les travaux de Bourdieu montrent que le capital scolaire, s’il n’est pas reconnu par les institutions, peut devenir hors norme. Il se retourne alors contre l’individu, le marginalise, et l’exclut silencieusement du jeu professionnel.

🔹 La santé mentale

La surqualification est un facteur de risque psychosocial : ennui professionnel (bore-out), perte de sens, déclassement, crise identitaire. La dissonance entre l’identité professionnelle espérée et la fonction occupée fragilise l’estime de soi et augmente les risques de détresse psychologique durable.

🧠 Ce que ça révèle du système

Refuser un profil surqualifié n’est pas toujours un rejet de la compétence.

C’est souvent un refus de confrontation symbolique à un déséquilibre de pouvoir ou à un regard potentiellement critique.

Les apports de Goffman (stigmate) et de Tajfel & Turner (identité sociale) permettent de comprendre un phénomène latent : celui ou celle qui diffère trop du groupe – par ses diplômes, sa lucidité ou son écart culturel – est perçu comme une menace pour l’équilibre implicite du collectif.

La surqualification devient alors un stigmate inversé : ce n’est pas l’incompétence qui dérange, mais l’excès perçu de compétence, de recul, ou de singularité intellectuelle.

📉 Causes structurelles et psychologiques

La surqualification s’explique par une combinaison de facteurs : attentes et aspirations élevées, recherche de statut, construction identitaire professionnelle, recherche de sens, et adaptation subjective au marché du travail.

En somme, elle n’est pas qu’un problème de compétences mal utilisées, c’est un effet miroir de nos représentations du travail, du mérite et de la valeur sociale des individus.

🧭 Que faire ? Des leviers existent

La valorisation du diplôme repose autant sur la reconnaissance institutionnelle que sur l’action proactive du diplômé pour adapter, enrichir et rendre visibles ses compétences spécifiques et transversales auprès des employeurs.

Mais cette responsabilité ne peut reposer uniquement sur les individus.

Les organisations doivent aussi réinterroger leurs critères implicites de recrutement, intégrer la complexité des parcours et dépasser la logique de conformité.

Les outils d’évaluation et de valorisation

-  Mettre en place des méthodes d’évaluation innovantes (projets pratiques, mises en situation, études de cas) pour permettre aux individus de démontrer concrètement leurs compétences informelles.

-  Fournir des attestations, certificats ou recommandations validant l’expérience acquise hors cadre académique : bénévolat, engagement, projet personnel ...

🧭 Pour ouvrir le débat

Et si la surqualification n’était pas une anomalie, mais le symptôme d’un modèle devenu trop étroit ?

Jusqu’où sommes-nous prêts à remettre en question nos grilles d’évaluation du « bon profil » ?

📚 Pour aller plus loin

Code du travail, Défenseur des Droits, Bourdieu, Goffman, Tajfel & Turner, Psychologie du travail ...